Je vais vous faire un aveu, un énorme, volumineux, de ceux qui sont problématiques, inquiétants, perturbants. On le doit pudiquement conservé dans son écrin d'apparences et n'en jamais révélé l'éclat noir.
Qu'en passeraient mille de plus, joailliers de la conscience, orfèvres de la morale, qu'aucune alliance fondue dans le plus précieux alliage, ne viendra rompre mon souhait de passer outre les convenances.
Le voici cet aveu, je le rend public, il fera désormais chair en ce lieu, en sera le pouls et l'influx nerveux :
JE VEUX QUITTER CE MONDE Maintenant le reste va m'être plus insoupçonnable à entendre en version jusqu'à signer ce billet, mais pour que d'emblée le trouble redescende, c'est à Héloïse ma fille que je dois d'éclaircir mon chemin.
Que peut donc avoir Héloïse et ses neuf ans glanés sur les beaux jours de Juillet que je ne m'accuse qu'à l'aube de mes quarante huit années qui viennent en automne ?
Rien de ce qui est en droit de rendre une justice ou de réclamer pour dam, une injustice qui serait.
Elle a en grandissant, une grande sensibilité qui crée chagrins, larmoiements, des spasmes dont l'ardeur vaudrait agonie.
Quelle quantité de ces épisodes éprouvants la voudrait-on voir supporter ?
Un gamin qui était moi, n'en a plus fait le compte et les a rangé sous
son oreiller, qui sécherait le lendemain. Tout ce qu'il pouvait y avoir
d'horrible, trouvait la porte d'entrée de ma chambre, se glissait dans
mon lit et se nourrissait d'un cœur tout neuf. Ajouté à cela des
frayeurs nocturnes d'enfant tardant à trouver son sommeil et des
oublis dont l'importance ne vous laisse plus guère que vingt
centimètres de literie d'où il ne vous faudra plus bouger, le sort en est jeté.
Dernière petite torture enfantine, mon frère jumeau, qui dormait
à côté dans son lit, que Morphée avait la délicatesse
d'emporter le premier.
C'est ainsi que j'ai grandi, et ma journée n'était guère préférable, le pénible de l'une s'ajoutant à l'autre, d'une épreuve diurne à une nocturne. Aucun de mes problèmes d'enfance n'ont été soignés, guéris, j'ai du rentrer dans l'âge adulte, la vie active et affective, l'union et la paternité avec toutes mes déficiences, les gérant, les cachant, les fuyant comme j'ai pu.
Au nombre, s'en sont rajouté d'autres, des plus pernicieuses, des plus irréductibles, des plus dégradantes, des plus incontrôlables, des plus inavouables alourdissant la part de compréhensible.
J'ai rendu à ce jour l'être insupportable pour les miens, insupportable pour moi-même pour avoir déclaré enfant, des difficultés à donner à l'existence, un avis supportable.
Et Héloïse te voilà
Te voilà avec tes surprises
Moins humiliée que ton père, mais te frayant l'accès dans la nuit tout volets clos, n'allant que dans l'effondrement si on te blesse, atteignant avec peine la somme d'un calcul mental, n'irriguant toutes les exigences qui te sont faites que de l'épaisseur de tes sanglots.
Avec pour seule chance peut-être que nous situons la chose quarante années plus tard.
Te voici donc quand je voudrais m'y perdre, ton vague à l'âme, sa teinte et son odeur s'en venir éclipser le mien et faire appel au petit fantôme que je porte en moi dans ce désert affectif où je l'ai laissé.
C'EST TOI QUI ME DEMANDE
SILENCIEUSE
JE L'ENTEND SI FORT
Ta grand-mère m'en avait glissé un mot à l'oreille ; plus prévenant que les autres comme elle tentait de m'y préparer. L'écho de ce trait de ma personne se frappe encore aux parois de mon crâne.
Ai-je manqué de louanges, d'appréciations ? Bien au contraire. Ma jeunesse est parsemée de ces félicitations jamais suivies de pratiques. Extravagances plus nuisibles que bénéfiques, s'accompagnant d'un pluriel mal acquis par un dédoublement de naissance.
N'ayant que le plongeoir sans la piscine, j'ai mélangé l'équilibriste et le clown, un saut dans un verre sur la piste.
Il ne se peut que tu en arrive à ce stade, car si héréditaire se doivent les accents du psychisme, il se transmet par ta grand-mère un brin de jouvence qu'elle m'a transmis, et que je laisse à ta disposition.
JE ME RÉVEILLE
JE VAIS RÊVER ET VEILLER
Je n'ai plus que des galets au fond de l'eau et je prendrais du temps pour les remonter et toi, tu as beaucoup de ricochets à faire.
Mère et fils ont que par trop, des parties de visage sans bouche ici, sans yeux là, pour ce qu'elle et lui n'ont jamais exprimé, mais leur parlent sans cesse, les voient. Laissée à l'ignorance de tout le monde, une première vie, qui harcèle autant qu'on la poignarde.
Ces choses là qu'on ne déplacera plus, prennent corps dans les charges léguées père après père, mère après mère, et c'est là que réside l'abandon, la poursuite, l'arrêt et la mutation.
CELA S'ARRÊTERA AVEC MOI
AU PLUS TARD POUR MOI
AU PLUS TÔT POUR TOI
Mais tout commence
par une épreuve
je sors de ta vie
je suis au bout du sort
de la mienne.
Vous quittez mon monde.