Les mille contre l'Émile

Lui aura 300 ans ce 28 Juin prochain, mais son Émile les atteindra dans 50 ans. Ce tricentenaire va être l'occasion de fourbir du Rousseau dans les débats sur la démocratie et le progrès scientifique, sur la citoyenneté et l'écologie. Il n'en reste pas moins qu'aux détours de l'immensité du cerveau de Rousseau, où surgissaient de fulgurantes "extralucidités", des tours révolutionnaires resteront fermées aux visites.

Émile n'est pas de ces prénoms qu'il faut porter à l'anglaise. En latin, il veut dire émule et en littérature, Cioran et Zola. Il est de ces sujets qu'on aborde en France, qui sont des racines du racisme quand ils sont portés en branches dans la propriété du voisin alors qu'en sous-sol y sont des ramifications rampantes. L'éducation est de ces sujets qui divisent et opposent systématiquement. Rediscuter l'Émile ou De l'éducation, c'est sauf erreur ouvrir un espace aux têtes d'émule de l'école buissonnière, aux enfants de la bohème, à de bucoliques tableaux bleus, blancs et fatalement rouges. Ce qui faisait dire à Chamfort (1741-1794) : "La Nature ne m'a point dit : « Ne sois point pauvre » ; encore moins : « Sois riche » ; mais elle me crie : « Sois indépendant. »

Mais quand il y a "prénominativement" une liste de mille et moins un profils de bons bardots contre l'émile contestataire, dés la naissance sociale et la connaissance sociétale, il persiste à y avoir pauvreté d'esprit, fatuité des savoirs et abus d'autorité.

La 1712ème année d'os roussis de mon homonyme en "bat thèmes" qui a vu mes ancêtres Ardéchois en déterrer certains, alors enfants aux labours, n'est différente pour le septième milliardième humain de 2012 que par les lieux où l'on programme la culture des pensées. Aujourd'hui et comme à la genèse des mythes, l'enfance est une période qui vaut bien le monde animal et végétal, par la nature du jeu qui est demeurée son humeur. Assimilée à la liberté parfaite, elle a heureusement pour l'autorité la faille de la faiblesse et la violence des règles pour que, plutôt que sauver cet âge, il se tienne sage. Or pour l'autorité, les indices sont probants, le bon sauvage pourrait ressurgir. Qu'elle soit militaire, scolaire ou doctrinaire, l'éducation est la cible de la continuité du modèle social.

Nous en sommes là en France à vouloir "reciviliser" la jeunesse, la "remolariser", la "ressencer" civilement et l'école se sanctuarise à cet effet.

J'ai moi même été un Émile. Je ne sais rien dans les livres et j'en peux remplir des "inécrits", sur les "millogismes" de la retransmission poétique. C'est à une ambiance que je le dois et à aucune autorité connue. Comme dit Chamfort qui est pourtant un Nicolas : « Ce que j'ai appris, je ne le sais plus. Le peu que je sais encore, je l'ai deviné. »

Embarrassante hérédité que celle de la position prônée par Rousseau qui correspond à un équilibre anarchique de la nature où un chêne et un peuplier s'en peuvent bien planter leurs racines dans la même terre. Comme je le crois pour ma part, se réfugier hors de France est l'attitude des gens de cœur, pour désamour qu'ils ont des réprimandes républicaines, et qu'ils sont des enfants restés et non des Français.

L'éducation française, Rousseau la portait en nom de famille, c'est la rousse, la police contre le polisson et depuis 1792, la terreur exhorte l'obéissance.

Ce que nous n'aborderons pas d'ici ce 28 Juin 2012 et après ? Le fait qu'on n'enseigne pas la libre parole et qu'il faut enseigner en se mordant la langue. Le fait qu'on n'enseigne pas la liberté d'observer et qu'il faut enseigner en observant la méthode. Car il est un savoir à vouloir enseigner en premier pour toute respectueuse soit la personne qui s'en charge, c'est de pouvoir dire ni oui, ni non, mais prend ton temps comme le fait l'organisme dans la nature, si la température a un sens profond.

Il ne peut y avoir mille frilosités contre une seule résistance, pas plus que mille tempérances contre un seul tempérament.